Villa Arson

"On en découd sur les terrains de Martin Walde et A Maguet. Coups de feu, brûlures, marques , déchirures."

 

Jeudi 6 février 2003

Visite de l'exposition de Martin Walde guidée par une charmante étudiante de la Villa Arson.

Appropriation-Intervention-Restitution-Réappropriation.

Choc visuel du regardeur. Je reste très admiratif du travail de Martin Walde, sur la permanence rétinienne, les expériences sensorielles et toutes ses interventions d'une extraordinaire intelligence.

L'étudiante me montre la première pièce en me disant qu'une bouteille contient un parfum. Tout est blanc hormis le contenu de la bouteille qui pour moi est plutôt inodore cependant coloré d'une couleur chaude. Le sol est recouvert de polystyrène. Une étrangeté se dégage de l'ensemble. Je suis plutôt un visuel qu'un olfactif et seule l'odeur du figuier, du durian et de la giroflée peuvent me détourner de mon chemin.

Dans la pièce suivante " Can you give me something " éclairée de bleu-vert, le public est invité à donner un objet qui est incorporé dans une grosse bobine de ficelle. J'extrais, je ne sais plus quel objet de ma poche, et l'étudiante le fait disparaître dans la bobine qui au fil des visites prend du volume, se charge de mémoire-objets. C'est l'artiste qui avec cette oeuvre nous incorpore. J'observe docilement le bobinage à la place que l'étudiante m'a demandé d'occuper. Elle applique scrupuleusement les instructions de Martin Walde.

Quand je me retourne avant de repartir vers la salle suivante. C'est le choc, une étrange lumière rose orangée sort de la première pièce comme autant de radiations.

Je demande à mon guide si la transformation de la couleur de la première pièce s'est opérée pendant qu'elle bobinait, elle tombe des nues. Elle ne voit pas ce de quoi je lui parle....

Elle me regarde avec un air effaré... comme si j'étais sous l'emprise d'hallucinogènes. Je comprends rapidement mais je renonce à lui parler des travaux de Chevreul car de toutes façons, je ne ferai que mieux me compromettre. Elle reste accrochée à cette odeur de Rhododendron et je ne peux m'empêcher d'avoir une très grande admiration pour Martin Walde. A ce moment, je crois que mon guide et moi éprouvons une certaine compassion l'un pour l'autre pour des raisons qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre.

La soif de la complémentaire... Pendant qu'elle bobinait elle était face à la porte de cette première pièce alors que moi je lui tournais le dos. Que c'est-il passé?...Je passe, d'une pièce fortement baignée et saturés de couleur blanche à l'exclusion de tout autre couleur à une pièce baignée de lumière bleuté-verte et froide. Abstraction faite d' une bouteille contenant un liquide de couleur chaude. L'étudiante sans le savoir me maintient dans cet espace saturé de lumière bleutée tout en incorporant mon don dans la bobine de ficelle gris neutre si mes souvenirs sont exacts... Quand je me retourne pour continuer la visite une forte lumière orangée semble sortir et irradier l'environnement par la porte de la première pièce. Ma soif de la complémentaire s'est réveillée dans mon cerveau reptilien et rétinien. L'effet est d'une grande intensité chez moi et je ne résiste pas à en faire part à mon guide qui n'y voit rien...qu'une manifestation délirante de son visiteur...

Je suis le regardeur, je participe à l'oeuvre non pas comme un vieil âne qui hoche la tête bêtement en reniflant le trèfle mais avec la réalité et l'irréalité de mes perceptions additionnées d'un bagage qui est le mien.

Tout cela n'est pas photographiable.

" Les Paysage de Gaétan Bellevue " Hors série 2003 2008

 

 

Nous terminons la visite avec l'oeuvre inter active " Wooby " qui consiste en deux rouleaux de tissu accrochés au plafond sur lesquels ont été cousues des étiquettes " Wooby ". Une paire de ciseaux également suspendue au plafond par un câble, est à la disposition du public. C'est là que m'abandonne mon guide. Je prélève et m'approprie un grand morceau de toile que j'emporte chez moi.

Je vois dans ce tissu qui se déroule au fur et à mesure que l'on en fait usage un parallèle avec des nappes, des drapés classiques et les nappes en papier jetables utilisées dans les banquets des salles des fêtes ou les restaurants bon marché. Tous ces personnages sur les étiquettes qui s'y attablent me font penser aux Noces de Cana de Véronèse ou encore à de nombreux tableaux de la Cène.

 

 

 

Je me garde bien de révéler quoi que ce soit à mon Guide. Je tenterai le 1er avril 2003 d'en parler à Catherine Macchi lors d'un cours d'histoire de l'art mais elle me renverra à la doxa édictée par le grand savoir des historiens de l'art.

J'emporte également une affiche cigarette " Cocktail pour l'ambassadeur " d'Arnaud Maguet sur laquelle je reviendrai plus loin.

 

Vendredi 7 février 2003

En rentrant hier au soir j'ai inscrit sur la toile avec différents médiums ( encre de chine de couleur, craie, feutre, crayon ) EMOI, ET MOI, HE MOI de nombreuses fois sur les deux cotés du tissu.

 

Cet après-midi je suis venu recoudre et restituer le morceau de tissu. J' ai également cousu une étiquette près d'un croquis fait au stylo bille sur une autre partie de la toile. Ensuite j'ai prélevé une étiquette Wooby, un Et Moi et la Joconde tout en laissant le croquis.

 

On me renvoie l'image de peintre du dimanche début XXième transposé au XXIième siècle. Si c'est effectivement une facette de mon travail, ce n'est qu'une infime partie de ce que j'ai à dire en tant qu'artiste. Mon approche de l'oeuvre de Martin Walde ne se résume pas à " c'est inter-actif " je prends la paire de ciseaux et m'exécute selon son désir mais dans les limites prévues par l'artiste et l'institution. Non! le travail sur l'appropriation, intervention, restitution, ré-appropriation trouve son origine dans la destruction, disparition, redécouverte, restauration d'oeuvres d'art en tout genres. Des mosaïques romaines, grecques ou byzantines, exemple entre mille, détruites par le flot des fétichistes, des collectionneurs, des pilleurs de sites qui prélèvent depuis des siècles les miettes de ce qui furent souvent de grandes oeuvres. C'est aussi la revendication qu'une oeuvre n'est riche que si elle laisse libre cours à une large palette d'interprétations qui échappent à la restriction de la critique de sa propre époque contemporaine pour s'étendre vers le passé et le futur.

Les oeuvres de Martin Walde et d'Arnaud Maguet nous invitent à l'appropriation et à l'interaction. Avec ces deux actions j'introduis la Restitution après l'appropriation.

La réintroduction d'éléments transformés dans les oeuvres originales de Walde et Maguet n'implique absolument pas que ces éléments leur appartiennent. Je sors et m'approprie une partie des oeuvres exposées par l'institution et les restitue non pas comme partie de l'oeuvre de M Walde ou A Maguet mais comme oeuvre d'H Courtain introduites dans l'institution.

C'est là la problématique de la filiation, de l'intégration-rejet des modèles que pose tout nouvel artiste qui s'intègrera ( ou pas ) dans l'histoire de l'art qu'il soit adopté ou rejeté par ses contemporain.

 

Donc je suis venu coudre une étiquette d'un format presque identique aux étiquettes wooby " Joconde vomissant une pizza "de Peter SauL sur le Verso et une photo de Marcel Li Antunez Roca 96 " L'art a encore la faculté de déranger " sur le recto. C'est ma façon de faire une autre liaison entre Martin Walde, Marcel Duchamp LHOOQ, Léonard de Vinci, la Joconde et la Cène de Véronèse et l'impact de l'art sur le spectateur.

Allez voir sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Peter_Saul


http://www.youtube.com/watch?v=5utDR8VWxms

Je suis accompagné par des étudiants qui ne me lâchent pas d'une semelle. Les étudiants communiquent avec des portables. Ils sont incertains, suis-je fada, neuneu, zinzin, narcisso-égocentrique, ado attardé, fou furieux, artiste raté, etc... ils ne me quittent pas. Cela me donne envie de mettre dans une Villa Arson vide de tout accrochage des hauts parleurs qui diffuseraient toute une variété sonore de " j'écoute " susurrés. Ou de jeux de téléphones fixes qui rappelleraient la communication silencieuse et discrète de coin à coin sous les voûtes croisées de je ne sais plus quelle abbaye.

 

Je suis scandalisé par le passage éclair d'un groupe d'étudiants qui visite l'exposition au pas de course, sans semble-t-il rien comprendre, ni voir ni ressentir. J'ai l'impression de voir des passants en retard qui se seraient égarés dans un musée d'art contemporain avant d'aller au boulot...Ils font un voyage d'études à travers la France... étudiants en arts plastiques. La vitesse et le survol leur donnent de l'im/portance encore faut-il avoir suffisamment de vitesse pour échapper à l'attraction terrestre. C'est là une belle performance à la Icare.

 

" Les Paysages de Gaétan Bellevue " Hors série Avril 2008

 

Je ne résiste pas à l'envie de vous raconter une autre expérience sur les complémentaires vécue à Nice.

Cf . Le livre des morts par le père...

J'ai beaucoup écrit à propos de l'

Appropriation-Intervention-Restitution-Réappropriation.

de Martin Walde. Je me contenterai de vous montrer quelques images de mon travail sur celui d'Arnaud Maguet.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Y aurait-il du Duras là-dedans?

" Les paysages de Gaétan Bellevue " Hors serie 2004 2008