" Villa Arson "
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Quand j'arrive à Nice je fais l'inventaire des lieux susceptibles de m'intéresser. J'en retiens quatre: La Promenade des Anglais, l'École Municipale d'Arts Plastiques, La Brèche-les Diables Bleus et la Villa Arson. Le premier est le lieu déterminant de ma venue à Nice. J'ai prévu d'y rester cinq ans. Arrivé en 2000 j'y suis toujours en 2013. C'est « La Promenade des Anglais » choisie pour son brassage de populations, son climat, le ralentissement du rythme des personnes qui s'y promènent, ses chaises ( à l'époque il y avait 2000 chaises mobiles ) qui favorisaient les rencontres, les échanges et me permettaient de m'installer confortablement pour faire mes portraits à l'encre de chine. C'est la continuité du travail commencé en 1999 sur l'anonymat et sur le portrait à Alzon qui va s'y construire. La mise en place est rapide et immédiate. Ce lieu échappe à l'art codifié et standardisé par les galeries, les musées, les écoles d'art, les critiques. C'est un extraordinaire « Espace de Liberté ». Le jugement des passants est très variable en fonction de leur propre échelle de valeurs artistiques, sociales, de valeur du savoir-faire et du discours. Les anonymes se lâchent en fonction de leur bagage, de leur vécu, de leur culture. Certains décident que je suis un artiste, un bidouilleur, un simple d'esprit, un talentueux, un naïf. Des conversations sur l'art nous entraînent dans toutes les directions. Ici quelqu'un en profite pour se demander qu'est-ce que c'est que cet Art Contemporain dont tout le monde parle. Là c'est un autre qui m'étale en long, en large et en travers ses concepts.
Le second « les Diables Bleus et la Brèches » est un lieu alternatif où des artistes sont regroupés en collectif autogéré dans des bâtiments de l'ancienne caserne de Saint Jean d'Angély. J'arrive des Cévennes mais le « parisien » se fait vite refouler. Il n'y a pas de place, pas d'atelier, pas de sécurité. Pour toi on est désolé... Travaille sur la Prom c'est une excellente idée... J'y présente tout de même une exposition individuelle importante pour moi en 2001 « de cinq minutes en cinq minutes » , et deux expositions éphémères. Je participe aussi à plusieurs expositions collectives. Je réussis à faire venir un grand nombre de personnes dans ce lieu, ce qui ne sera pas le cas à la Villa Arson. Les vieilles casernes qui exposent des Artistes souvent non Officiels font bien moins peur que la Forteresse d' Arson. Un grand nombre des personnes qui viennent à l'exposition de la « Brèche » sont là en premier lieu pour retrouver leur propre portrait avant de venir voir une exposition. Ils se cherchent. Ben voit tout de suite le lien avec l'école de Nice. Ben dira " Pas mal " INDIVIDUS NICE Extrait de la newsletter de Ben INDIVIDUS - HISTOIRES D'INDIVIDUS DE PARIS DE NICE ET D'AILLEURS - 2001-12-13 Là aussi il y a brassage de populations car les personnes réunies sur mes planches de portraits sont de milieux très très différents. Chacun se cherche, se reconnaît ou pas en tant qu'acteur et modèle de ce travail. Les vernissages de nombreuses expositions collectives attirent toutes la gamme des niçois il n'y a pas une chapelle sectaire il y a plutôt un pluralisme dynamique assez représentatif de la population niçoise et je rends hommage à l'énergie des uns et des autres embarquée sur un radeau qui aurait pu se transformer en plateforme de la Culture niçoise.
Le troisième lieu est l' École Municipale d'Arts Plastiques de Nice EMAP. On me dit qu'il y a des listes d'attente et qu'il faut parfois plusieurs années pour y entrer. De toutes façons les sélections se font en juin et patin couffin. Je mets le pied en janvier au cours de philosophie esthétique et toutes les autres portes s'ouvrent rapidement. J'espère me faire aider dans mon projet sur la Villa Arson par Jean-Paul Harivel dans l'atelier duquel j'ai trouvé une place. Malheureusement il tombe gravement malade et je poursuis seul le projet d'Arson. Deux expositions éphémères, l'une chez Patrick Lanneau « Quête, le Chaos » l'autre chez Gérard Blondeau « Équilibre Précaire Intra Muros » y verrons le jour. Tout en rendant un hommage à Romain Gary dans une figure imposée. Parallèlement je travaille sur des travaux pratiques...Ce sont de grands cahiers qui relatent soit par des écris soit par photos, des dessins, des objets mon parcours, mes réflexions à Nice. Nous rencontrons dans ces cahiers: des invitations, de petites oeuvres propres aux travaux pratiques, des reliques et des reliquaires. Bref des " Travaux Pratiques " qui correspondent aux " Années scolaires " de la Villa Arson. Je fais quelques actions mineures chez Catherine Macchi en Histoire de l'Art qui y voit des bémols. Je défends la Brèche et la Villa Arson dans les ateliers de l'EMAP mais il y règne une véritable chape de plomb. Je crois que plus de cinquante pour cent des élèves ne mettent jamais les pieds dans un musée, dans une exposition... la télé ha la télé.... La Brêche, la Villa Arson... ils ne connaissent pas et je ne suis pas certains qu'ils veuillent connaître, la Promenade des Anglais oui bien évidement. Si pour les jeunes résidents en formation à l' EMAP ce lieu peut les conduire vers Arson, pour les adultes c'est souvent un lieu d'activités qui ponctuent le temps un espace d'accueil psycho social, ou un lieu de culte qui ne diraient pas son nom. l-ecole-municipale-d-arts
Le quatrième Lieu est « La Villa Arson » J'y suis allé plusieurs fois. Dès ma première rencontre le bâtiment me fait penser à une forteresse ( château Gaillard aux Andelys qui surplombe la Seine ) Les personnes à qui je parle du lieu me renvoient presque toujours une sorte de grand vide, d'ignorance, de dédain , même chez des gens qui s'intéressent aux arts plastiques ou au cinéma "ça" leur passe au-dessus de la tête. Il y a de remarquables expositions qui feraient des centaines de milliers d'entrées dans n'importe quelle capitale...A Nice les chiffres sont de l'ordre du millier parfois deux exceptionnellement trois pour des expositions qui durent trois à quatre mois... Cela me désespère quand c'est superbe, cela me paraît normal quand c'est l'aridité radicale qui est mise en avant, quand je ne comprends rien. Souvent (et cela perdure encore aujourd'hui) je suis seul dans les salles quelque soit l'exposition. Ce lieu est imprenable et c'est pour cette raison que personne n'y met plus les pieds. J'ai appris également que les cours pour adultes qui y étaient dispensés par le passé ont été supprimés. Les jardins sont splendides, l'architecture remarquable, les espaces d'exposition offrent des possibilités que savent exploiter les commissaires, artistes et équipes de la villa. Le lieu est imprenable car dans l'esprit collectif des Niçois il n'y a « rien » à y prendre. Je ne parle pas des vernissages pour les initiés qui se congratulent quelquefois avec raison. Comme dans toutes les tribus les membres ont peur des membres qui ne sont pas de la leur, curieusement ils ne semblent pas parler la même langue. Je décide d'en faire le siège. Je décide également que je préparerai un diplôme à la Gérard Gasiorowski. J'enverrai chaque année mes résultats sur facsimilé en demandant que l'on veuille bien y apposer le cachet d'admission pour l'année suivante. Je demande à Jean-Paul Harivel de m'aider dans cette démarche. Mais du fait de sa maladie j'abandonne le projet sous cette forme. Je raconte et présente dans les pages consacrées à la Villa Arson les batailles imaginaires ou réelles contre cette forteresse que je pourrais appeler la guerre de sept ans. Je ne suis pas dans la position de Don Quichotte mais plutôt dans la position de Sancho sans son maître. Vous pensez bien qu'avec une telle démarche il est difficile de ne pas se retrouver au cachot.
Ci-après quelques grandes batailles aux chocs frontaux, qui ont marqué ces années passées. -Siège sur le modèle de Château Gaillard, après trois semaines, la troupe se retire.-500 tonnes de paille pour 13 tableaux. Trois jours de commémoration.-2000 hommes veillent trois mois dans une œuvre sans titre, 77 survivants.-Grande bataille de l'horloge, les pauvres se retrouvent chocolat, l'armée est taillée en pièces en quelques minutes.-Guerre sabbatique d'une année.-On en découd sur les terrains de Martin Walde et A Maguet. Coups de feu, brûlures, marques , déchirures.-Trésors et paradis perdu, odeur de guerre Sainte chez Maroussia Rebecq.-Attaque lettrée, grand silence après cette bataille à un contre tous puis à un contre un, et pour finir à tous contre un. Les peureux se cachèrent, nul ne sut qui l'emporta.-Jet de pierre dans le jardin aux plots.-Dépôt des Armes et Drapeau Blanc.-Combat d'arrière-garde de Mur à Mur." Les Paysages de Gaétan Bellevue " Hors Série 2008
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